LES LIVRES DU MOIS DE NOVEMBRE

Salut les dépressifs,

Aujourd’hui et afin de détendre les chakras de chacun, nous allons parler littérature. Tiens d’ailleurs, tip de blogueuse mode: si vous savez pas quoi lire en ce moment et que vous cherchez de l’aventure et de l’exotique, je vous conseille d’aller fouiner sur cette carte interactive. Le principe est simple: vous choisissez un pays ou une région du monde, et on vous propose une liste de bouquins. J’ai lu pas mal de trucs cool récemment grâce à ça, donc je suis content.

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« Je raconte à Lev que, quand j’avais son âge, tout me faisait pleurer: les films, les histoires, et même la vie. Les mendiants dans la rue, les chats écrasés, les pantoufles éculées me faisaient éclater en sanglots. Les gens autour de moi ont trouvé que ça posait un problème et, pour mon anniversaire, ils m’ont offert un livre destiné à apprendre aux enfants une méthode pour ne pas pleurer. Le héros du livre pleurait beaucoup, jusqu’à ce qu’il fasse connaissance d’un ami imaginaire qui lui suggéra, chaque fois qu’il sentirait les larmes gonfler en lui, de s’en servir comme d’une espèce de carburant pour faire autre chose: chanter une chanson, taper dans un ballon, esquisser quelques pas de danse. Ce livre j’ai bien dû le lire cinquante fois et j’ai mis ses conseils en pratique des dizaines et des dizaines de fois jusqu’à devenir si fort pour m’empêcher de pleurer qu’aujourd’hui ça m’est naturel et que ça se fait tout seul. J’y suis tellement habitué à présent que je ne sais pas comment arrêter. « Alors quand tu étais petit, demande Lev, chaque fois que tu avais envie de pleurer, tu chantais à la place? ». A contrecœur, je suis obligé de reconnaître que non. « Je ne sais pas chanter. Alors le plus souvent, quand je sentais les larmes monter, je tapais quelqu’un ». « C’est bizarre, dit Lev, songeur. Moi d’habitude je tape quelqu’un quand je suis content ». Le moment parait bien choisi pour aller jusqu’au frigo prendre des bâtonnets au fromage pour nous deux. On s’assied dans le salon et on se met à grignoter en silence. Père et fils. Deux mecs. Si vous frappiez à la porte et que vous le demandiez gentiment, on vous offrirait un bâtonnet au fromage, mais si vous faisiez quoi que ce soit d’autre, qui nous rende triste ou content, il y aurait de fortes chances pour que vous vous preniez une petite raclée. »

D’habitude je ne lis pas de recueils de nouvelles (car je suis un beauf) mais j’ai fait exception avec Etgar Keret car j’aimais bien l’idée sous-jacente du livre (il a réuni plusieurs textes qu’il a écrit pendant les sept premières années de vie de son fils). Bon alors je vous le dis tout de go: ce bouquin s’inscrit parfois dans la lignée « humour facile » donc si vous voulez des blagues un peu moins france inter et un peu plus second degré, peut être que vous ne serez pas satisfaits. Mais moi je m’en fous, je suis toujours bon public dès qu’il s’agit de tourner en ridicule sa progéniture. De plus le livre contient par endroits des passages assez subtils sur Israël et les juifs (les alertes attentat, le service militaire, la Pologne (dont est originaire la mère de l’auteur), la culpabilité vis-à-vis des arabes). Bref, c’est donc une lecture reposante pour mois de novembre déprimant.

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« Être mort, c’est ce que doit payer chacun pour avoir été, pour s’acquitter du miracle qui préside à chaque naissance »

Livre court (à peine 150 pages) mais tellement COOL. Galsan Tschinag a grandi dans la steppe, en Mongolie, dans une famille de nomades. Ciel Bleu raconte son enfance. Le livre est truffé de survival tips qui feraient frissonner bear grylls de plaisir. On y apprend par exemple que la graisse d’animal sauvage a des vertus cicatrisantes. Que les bouses peuvent servir de combustible pour le feu en hiver. Ou que le genévrier, mélangé à de l’eau tiède, est parfait pour se laver les coussinets après une journée passée à crapahuter dehors (toi aussi n’hésite pas à voter pour que le verbe « crapahuter » soit élu top ringard 2016). A l’époque de Galsan Tschinag, les enfants ne mangeaient pas de bonbons (car cela n’existait pas) mais n’avaient pas l’air de plus mal le vivre que ça (ils n’allaient pas à l’école non plus. peut-être que ça aide à se sentir détendu du slip). Bref, j’ai adoré ce bouquin. En plus il y a aussi de très belles pages sur sa mémé.

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« Lorsqu’elle voyait ainsi le visage de ce garçon, qui appartenait à ses années d’adolescence, s’inscrire sur le décor montagneux de sa vie présente, le familier et l’insolite se brouillaient, se fondaient en une sorte de rêve éveillé. Une vague de sentiments confus la balayait comme la brise caresse un corps en nage: la personne que Howie croyait avoir en face de lui, à laquelle il s’adressait et dont il lui renvoyait l’image, n’avait plus la même identité: ce n’était plus celle qui avait signé ses dessins d’avant, ce n’était plus celle qu’elle-même connaissait. En ce cas, qui était-elle? Elle n’en savait rien. »

Je ne remercierai jamais assez la personne qui m’a conseillé de lire ce bouquin à travers un commentaire laissé sous une précédente liste de livres. Je ne connaissais pas Wallace Steigner et je serais certainement passé à coté sinon. D’autant que le sujet me laissait a priori de marbre: « un vieil historien ronchon, unijambiste et condamné au fauteuil roulant, plaqué au surplus par sa douce, s’occupe à trier des archives de famille pour tenter de conjurer comme il peut la mort qui guette au prochain tournant – ou à celui d’après si l’on veut rester optimiste. C’est ainsi qu’il va tomber sur les lettres laissées par sa grand-mère, une jeune femme des années 1860 qui parcourt l’Ouest sauvage à la suite de son prospecteur de mari – et dont la vie, passée au milieu de paysages grandioses, ne sera qu’une suite (plutôt mouvementée) de dégringolades et de désillusions…« . De « l’Ouest sauvage », je n’avais que de vagues connaissances, tirées de la petite maison dans la prairie (ne me jugez pas), de quelques westerns spaghetti soporifiques et de lointains souvenirs de cours d’histoire-géo. Pour moi, l’Ouest sentait des pieds, et la perspective de me coltiner les aventures de Susan Ward (la grand-mère en question) sur 700 pages me paraissait au dessus de mes forces. Comme j’avais tord! Déjà, la quatrième de couverture n’est pas mensongère: on croise effectivement dans ce livre moultes paysages grandioses (et c’est une personne qui d’ordinaire ne supporte pas les descriptions qui vous le dit). Mais le plus inattendu c’est qu’on se surprend à suivre la vie de Susan comme un thriller et à tourner les pages avec impatience dans l’attente du dénouement (ce qui est à la fois bien et pas bien car, rappelez-vous, le livre est gros. Donc vous en aurez pour un paquet de temps avant d’avoir fait le tour de sa vie). Parmi les grands thèmes abordés, on trouve: le déracinement, le temps qui passe et l’identité qui se fragmente (à l’échelle d’un individu mais aussi sur plusieurs générations), la question de la mémoire, les rêves que l’on a pour sa vie versus la réalité, et la vie de couple (joies et déceptions).

Ah et question bonus pour ceux qui ont déjà lu ce livre: qui est votre personnage pref? Susan ou son mari? Au début je me positionnais clairement du côté de Susan mais avec le temps cette personne m’a un peu tapé sur le système [attention minute anti-féministe: franchement Susan elle se la coulait douce quand même. En tant que femme au foyer aisée, elle était quand même vachement oisive je trouve. Il y a plein de passages où on a envie qu’elle lâche ses rêves débiles de femme artiste et de conversations mondaines au coin du feu et qu’elle vienne mettre les mains dans la boue pour aider un peu son mari. En même temps je ne suis qu’un petit insolent et il est évident qu’à cette époque là, et vu le milieu social dans lequel elle évoluait, certaines choses ne se faisaient pas…].

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Le livre bonus du mois! Je souffre parfois d’insomnie et après avoir essayé plein de trucs qui servent à rien (tapis d’acupression, gouttes de lavande sur l’oreiller, méditation du genre « pensez à 3 choses cool qui vous sont arrivées aujourd’hui puis endormez-vous dans le calme ») j’ai décidé de revenir aux bases c’est à dire: à la science. Ce « que sais-je » est pas mal foutu (bien que son auteur s’appelle Zara de Saint-Hilaire, ce qui laisse présager d’une vaste blague). Je vous laisse avec ces sages paroles:

« L’insomniaque passe en fait un temps anormalement long au lit. Il se couche souvent tôt, traîne au lit le matin, et pourtant dit ne dormir que quelques heures. Cette tendance à allonger le temps passé au lit pour essayer de « compenser » le sommeil estimé insuffisant diminue la « pression » du sommeil et favorise l’apparition d’éveils au cours du sommeil. La technique consiste donc à réduire le temps passé au lit pour le faire coïncider le plus possible avec le temps de sommeil. Le patient tient un agenda de ses horaires de sommeil sur huit jours minimum. A partir de ces informations, on calcule l’efficacité subjective de son sommeil qui est égale au rapport du temps de sommeil total sur le temps passé au lit multiplié par 100. Le but est d’arriver à obtenir un indice très proche de 100%. Concrètement, si la personne pense avoir dormi 5 heures et demie, on lui accorde un temps passé au lit égal à cette durée. La restriction se fait en retardant l’heure du coucher, tout en maintenant constante l’heure du lever. Le temps passé au lit ne doit cependant jamais descendre au-dessous de 5 heures. Lorsque l’efficacité de son sommeil calculée grâce à l’agenda s’améliore et atteint environ 85%, le temps passé au lit peut être augmenté de 15 minutes, permettant au patient d’aller se coucher 15 minutes plus tôt. »

8 commentaires
  1. Yonrogg a dit:

    Rien que de lire son nom à particule, j’ai retrouvé le sommeil!

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  2. yO. a dit:

    Grâce à toi, l’hiver peut arriver, même pas peur! Merci renardeau de partager tes découvertes.
    Je commente pas trop fort, j’ai vu que le Ouais si particule était venu pionchier chez toi…

    🙂

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  3. auraure a dit:

    Conseil pour glousser allègrement: Les Limiers de Bafut – Gérald Durrell (frère de Lawrence Durrell, qui a commis le sublime Quatuor d’Alexandrie, aka le livre grandiloquent et immense par excellence).
    Angle d’équilibre jeveuxlelire, j’ai passé un an à Boulder, Colorado donc les Rocheuses rien que d’y penser j’ai des envies de chanter ou chouiner qui fusent fissa.

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    • renardeau a dit:

      merci pour les conseils de livre! content de revoir le lobe réapparaître de temps en temps par ici 🙂

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  4. chic, des conseils lecture !! en ce moment je me tape un bouquin par jour, je suis prête d’éclater (c’est ça d’aller à l’école). je conseille néanmoins à mort politics of the veil de Joan Wallach Scott, sur le port du voile (ouais malheureusement je lis peu de bouquins rigolos).
    et aussi bravo pour le chômage !! et l’étagère incroyable. je suis très admirative.
    et la justesse de ton post sur trump m’a laissé tout à fait pantoise.

    (c’est ultra naze, je groupe mes commentaires, j’ai honte moi même)..

    et du coup le truc de Zara de St Hilaire sur l’insomnie, c’est ridicule ou c’est juste ? (je dors généralement du sommeil de l’assommé donc je ne saurais dire si c’est risible ou malin)

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    • renardeau a dit:

      je dirais que zara de st hilaire est clairement notre maitre à tous en matière de sommeil (mais je respecte pas encore bien ses conseils du coup je suis toujours un incurable insomniaque…)

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