INTERLUDE BOUQUINS

Salut les poux,

Je sais que vous en avez tous marre de la vie politique française donc exceptionnellement cette semaine, pas de lobbying pour Philippe Poutou mais une liste de livres à la place. Ces derniers temps, j’ai lu 4 bouquins plutôt coolos (avec des réserves pour les deux derniers de la liste – je suis une blogueuse mode intègre et j’essaye de ne pas tout trouver fantastique):

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« J’ai seulement compris alors pourquoi il était toujours tellement facile de frapper autrui. C’était parce que je n’avais aucune imagination. Le chemin qui mène à la sympathie ou à l’empathie n’est pas de tout repos, mais c’est le seul que nous ayons. Pour comprendre les conséquences de nos actes, nous devons faire appel à notre imagination. Nous décidons qu’assommer quelqu’un avec une bouteille est une mauvaise idée, parce que nous nous mettons à la place de ce type et comprenons que, si on devait nous assommer avec une bouteille, bon dieu, ça ferait un mal de chien! On échange les rôles. Si vous faites ça – si vous pouvez faire ça – alors la violence devient pour vous une hypothèse de moins en moins probable. Vous collez le canon de votre arme contre le crâne d’un type. Si vous pouvez vous représenter ce que votre balle fera à ce crâne, alors il vous est littéralement impossible d’appuyer sur la détente. J’avais joyeusement tabassé des gens parce que je n’avais pas d’imagination ».

Je vous l’annonce tout net: ce livre m’a prouvé une fois de plus que j’étais un être insupportable et que malgré mes efforts pour lutter contre mes biais cognitifs, j’avais encore tout un tas d’idées reçues sur des sujets que je ne connaissais pas bien. Que je vous explique: de base, j’avais acheté ce bouquin parce que je savais que l’action se déroulait à Belfast, pendant les dernières années de la guerre civile. Pour moi, l’affaire était pliée: les anglais (et par extension: tous les protestants) étaient des colons et étaient donc forcément dans leur tord; les catholiques subissaient tout un tas d’injustices et c’était donc pas étonnant que l’IRA mène des actions terroristes en leur nom (hashtag « le vent se lève » de Ken Loach).

Sauf que dès les premières pages du livre, je me suis rendu compte que l’auteur ne partageait pas du tout ce point de vue. Il avait l’air de trouver tout le monde pénible (autant les républicains, les nationalistes, les loyalistes que les unionistes). Ça m’a étonné. Au début je l’ai soupçonné de d’être qu’un vil mou du genou apolitique (sens de la mesure, toujours). Et puis, à travers le personnage de Jack (celui qui parle dans la citation que je vous ai recopiée un peu plus haut), j’ai compris ce qu’il voulait dire. Et je me suis sentie honteux d’avoir eu une opinion aussi tranchée sur ce qui s’était passé en Irlande du Nord alors que je n’ai jamais mis un coussinet là-bas au moment des Troubles.

Bon sinon. Dans ce livre, vous trouverez: un chat obèse qui fait genre « je suis si mal nourri » pour apitoyer les passants, un Gavroche irlandais (le personnage de Roche, un gamin de 12 ans qui passe son temps à insulter tout le monde, ce qui donne lieu à des dialogues vraiment jouissifs), des tags mystérieux sur les murs, une chouette histoire d’amour et également une méthode radicale pour vous enrichir rapidement (indice: cela nécessite l’achat d’un godemichet géant). Il y a aussi de très belles pages sur Belfast, et sur l’attachement qu’on peut avoir pour l’endroit dans lequel on vit.

Seul bémol dans ce livre qui était quand même super chouette: la dernière partie (et globalement toute l’histoire centrée sur Chuckie, le gros protestant capitaliste) part un peu trop en quéquette à mon goût. J’ai eu l’impression que l’auteur s’est dit « mon livre est grave bien jusqu’ici, je vais lâcher les chevaux et raconter tout et n’importe quoi dans les dernières pages, mon éditeur n’y verra que du feu ».

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« Atticus avait raison. Il avait dit un jour qu’on ne connaissait vraiment un homme que lorsqu’on se mettait dans sa peau. Il m’avait suffi de me tenir sur la véranda des Radley. La bruine qui tombait rendait indistincte la lumière des réverbères. En rentrant à la maison, je me sentis très vieille mais, lorsque je regardai le bout de mon nez, je vis de fines perles de brume, malheureusement loucher ainsi me donna le vertige et j’arrêtai. En rentrant à la maison, je pensai à tout ce que j’aurais à raconter à Jem le lendemain. Il serait tellement furieux d’avoir raté tout ça qu’il ne m’adresserait pas la parole pendant plusieurs jours. En rentrant à la maison, je pensai que Jem et moi allions encore grandir, mais qu’il ne nous restait pas grand chose à apprendre, à part l’algèbre, peut-être ».

Grand classique (je suis sûr que la moitié d’entre vous ont déjà lu ce bouquin, j’arrive donc après la bataille). Ce livre, c’est un peu comme l’attrape-coeurs: je regrette de ne pas l’avoir lu avant. L’attrape-coeurs était le livre parfait pour adolescent grugru: j’aurais adoré lire, enfant, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur.

L’histoire est racontée à la première personne par Jean Louise (alias Scout). Scout a 6 ans et vit dans le Sud des Etats-Unis au moment de la Grande Dépression. Son père, Atticus, a été désigné avocat commis d’office pour défendre un homme noir soupçonné de viol. L’histoire s’étend sur 3 ans (des 6 aux 9 ans de Scout). Scout est vraiment une chouette gamine; j’avais l’impression d’être dans sa tête et de revivre, à travers elle, mon enfance (il y a une scène, assez drôle, où sa tante lui reproche de ne porter que des salopettes et pas de robes. Sa tante lui dit qu’elle doit devenir une « dame » pour être un « rayon de soleil » dans la vie de son vieux père fatigué. Scout répond qu’on peut être un rayon de soleil en salopette). Il y a de jolies pages sur la relation parent-enfant (Atticus répond toujours avec sérieux aux questions existentielles de Scout. Il m’a fait penser au père dans le film Captain Fantastic). Ou sur la relation frère-soeur (le frère de Scout, Jem, devient adolescent au moment où l’histoire de déroule). L’intrigue est sacrément bien tournée, à tel point qu’à la fin, je me sentais tout nostalgique et la larme à l’œil (les dernières pages sont quand mêmes sacrément cool).

C’est vraiment un sacré bon livre.

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« Nous discutâmes ainsi pendant au moins une heure. Étrangers au brouhaha de dialecte grossier autour de nous, nous nous sentions uniques, lui et moi, avec notre italien recherché et nos discours qui étaient importants pour nous et pour personne d’autre. Mais que faisions nous, en réalité? Était-ce vraiment une discussion? Un entraînement afin de pouvoir nous mesurer, dans l’avenir, à d’autres personnes ayant appris à manier le langage comme nous? Était-ce un échange de signaux destinés à nous prouver que les fondements d’une amitié longue et fructueuse existaient? Ou encore une manière cultivée de dissimuler nos désirs sexuels? Je ne sais pas. Ce qui est sûr, c’est que je n’avais aucun intérêt particulier pour ces questions ni pour les faits ou personnes auxquelles elles renvoyaient. Tout cela ne faisait partie ni de mon éducation ni de mes habitudes, mais comme toujours je m’efforçais de ne pas faire piètre figure. J’eus l’intuition que je devais être attentive à dire ce qu’il voulait que je dise, lui cachant à la fois mon ignorance et le peu de choses que je savais et pas lui ».

OUI: je me suis tapé le tome 1 et le tome 2 de la saga d’Elena Ferrante (car a) je suis une blogueuse mode qui se respecte et b) j’avais besoin d’un truc facile à lire pendant les vacances).

Je ne sais pas trop si je devrais vous conseiller cette série de bouquins car honnêtement pas mal de trucs m’ont gonflé. Déjà la liste de personnages à rallonge. Ça m’a rappelé l’Idiot de Dostoïevski, où tu es obligé de te faire une fiche de lecture avec le nom complet des personnages (surnom inclus), les liens de parenté et les métiers de tout le monde pour comprendre un minimum de quoi on cause. On veut des intrigues simples! Merde! (message sponsorisé par le lobby des renards lecteurs). Ensuite, il y a le problème du « page turner » (oui j’utilise des expressions anglaises pour me la péter). Le principe du page turner est simple: l’histoire t’énerve tellement que tu lis compulsivement jusqu’à 3h du matin pour connaître le dénouement, et à la fin tu es encore plus dégoutté car CLIFFHANGER: il faut acheter le bouquin suivant pour connaître la suite. Moi j’ai une règle dans la vie: je n’achète que des livres de poche (mon côté radin, doublé de mon coté « je fais du vélo & et ne veux pas me trimballer un sac de 110 kilos tous les jours merci »). Du coup quand j’ai fini le tome 2, j’ai évidemment pas pu lire le tome 3 (vu qu’il vient de sortir) et je me suis senti aigri.

Le pitch, vous connaissez certainement alors je vous la fais courte. En gros l’histoire est centrée autour de deux amies, Elena et Lila, qui habitent dans un quartier pauvre de Naples, dans les années 50. Le premier tome raconte leur enfance. Le second tome est centré sur leur adolescence. C’est un peu bizarre parce que je n’ai réussi à m’attacher à aucun des personnages. Lila est objectivement pète-couilles (c’est le genre de personne que, dans la vraie vie, je fuis comme la peste. Dans la catégorie « amie qui se définit comme hyper proche de toi mais qui passe son temps à te pourrir »). Et Elena est mou du genou. On a envie de la secouer et de lui dire d’arrêter de se poser 30 000 questions sur la vie (et de draguer des mâles qui sentent des pieds sous prétexte qu’ils se la jouent engagés en politique & poète incompris).

Moralité: ce livre m’a saoulé mais je lirai le tome 3 car je suis un renard curieux. Et aussi parce que trouve cool qu’Elena Ferrante veuille protéger son anonymat.

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Je voulais terminer cette liste de livres avec un peu de littérature de puriste (Kawabata a reçu le prix nobel de littérature en 1968). Ce bouquin (appartenant au mâle, qui est très japonisant), traînait dans la bibliothèque depuis un bon bout de temps. Je m’étais fait la promesse d’arrêter de lire des auteurs japonais car je trouve qu’ils ont un problème avec les femmes et que c’est énervant à la longue (prenez Murakami: ses héros sont systématiquement des mâles japonais mous du genou d’une trentaine d’années, vaguement dépressifs et indécis dans la vie qui, pour une raison incompréhensible, attirent dans leur lit tout un tas de femelles énamourées). Mais ce bouquin était court (à peine 200 pages) et parfois il faut se sortir de sa zone de confort donc je me suis dit: pourquoi pas.

J’ai râlé en continu tout au long des 200 pages.

(ce qui m’a valu un débat enragé avec le mâle, celui-ci soutenant qu’on ne pouvait pas adopter de position morale face aux œuvres d’art (je boycotte Polanski et Woody Allen depuis les histoires de pédophilie les concernant)).

Que je vous explique. L’histoire de Tristesse et beauté est la suivante: quand il avait 30 ans, Oki a eu une liaison extra-conjugale avec une jeune fille de 16 ans, Otoko. Otoko est tombée enceinte, mais a perdu l’enfant à la naissance. Elle a ensuite été internée en hôpital psychiatrique, et Oki l’a quittée. Par la suite, Oki a écrit un livre sur leur histoire d’amour, qui est devenu un best-steller. Il n’a jamais revu Otoko. Alors qu’il approche de la cinquantaine, il décide de la revoir (vous le sentez venir, le mec relou?). Otoko ne s’est jamais mariée. Elle est devenue peintre et vit en couple dans son atelier avec son apprentie (vous le sentez venir, le gros cliché de la lesbienne?).

Alors il y a pas à chier: ce bouquin est un petit chef d’œuvre de pureté stylistique (les descriptions de phénomènes naturels rendent jaloux devant tant de précision et de travail acharné pour trouver les mots exacts). Et le livre aborde la question de la vengeance, de la jalousie et de la possession, de manière intéressante. MAIS. Comme je m’en doutais, il y a un gros problème avec les femmes. Je pense que c’est vraiment lié à la culture japonaise, qui fait que la psyché féminine est complètement inaccessible aux mâles (à force d’être un pays complètement inégalitaire, on oublie vite à quoi ressemble la vie des dominés car comme dirait l’autre, l’histoire est écrite par les vainqueurs).

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Un passage en particulier m’a fait hurler plus fort que les autres:

« Il était encore tôt quand Oki ouvrit, vers quatre heures et demie, le paquet d’Otoko. Il contenait un assortiment de mets préparés à l’occasion du Nouvel An, ainsi que des boules de riz modelées avec soin, qui lui paraissaient traduire les sentiments d’une femme. Sans nul doute, Otoko les avait elle-même confectionnées à l’intention de celui qui avait, autrefois, détruit sa jeunesse. Tout en mâchant de petites bouchées de riz, Oki pouvait sentir sur sa langue et entre ses dents la saveur du pardon d’Otoko. Non, ce n’était pas son pardon, mais plutôt son amour, un amour encore bien vivant dans son cœur »

(elle ne t’a pas fait des boulettes de riz parce qu’elle t’aime en secret mec. C’est juste que c’est une femme japonaise disciplinée et qu’elle avait pas le choix que de te préparer ton putain de repas)

11 commentaires
  1. marrant je suis 100% sur la position du mâle (je relis ce bout de phrase et je ricane), je lis Céline parce que c’est bien, j’écoute Bertrand Cantat parce que c’est bien et je me jette en hurlant de rage argumentatoire sur ceux qui prétendent me faire chier, à mon avis l’art et la morale doivent absolument être déconnectés sinon c’est la merde (ce qui n’est pas censé empêcher la justice de faire son travail bordel). Prétendre le contraire me fait penser à ma mère qui disait ‘en plus Céline Dion est moche’ (j’ai envie de dire : je vois pas le rapport).

    Sinon je suis sûre que le mâle et moi on serait aussi d’accord pour dire que Tanizaki a peut-être un problème avec les femmes mais que c’est quand même une méga énorme star. Et Murakami affreusement surévalué. Un Paulo Coelho japonais?

    Et je suis en train de lire Days of the abandonment de Elena Ferrante et j’aime bien, sauf qu’elle a tout piqué sans vergogne à la femme rompue. Et ne tirez pas sur l’oiseau moqueur c’est magnifique (et un classique américain genre ils le lisent tous à l’école primaire) Voilà voilà, et puisqu’on en est à Harper Lee, t’as lu de sang froid ? je le relis régulièrement avec la larme à l’oeil tellement que c’est beau (et tellement que Truman se fout de la gueule du monde à manipuler son monde mais c’est pas le problème cf point 1).

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    • non mais clairement le mâle se pourlèche que des gens ici prennent sa défense (je trouve cela pénible).

      ça fait un bout de temps que je renifle de sang froid, j’arrive pas à me lancer (j’ai de gros a priori sur truman, sa coupe de cheveux me perturbe je crois)

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  2. Ouais a dit:

    Poutou! Pouet pouet pouet!!! Poutou! Pouet pouet pouet! Poutou! P….

    Une oeuvre, c est une oeuvre, Céline c est Céline il a tourné de la tristesse à l aigreur… Ca fait chier mais c est Céline. Après, cet enfoiré de Polansmachin a t il réalisé des oeuvres d art??? Des petits films sympas, oui, mais bon…. Il a profité de son statut de petit prout connu pour coller son sperme dans une gamine pour son petit plaisir de mâle! Eastwood je ne peux plus regarder ses films depuis son soutien à Bush puis Trump cet enfoiré. Je n arrive plus à voir sa gueule ou un de ses films enfin après 1993… Avant j autoefface sa gueule du film et de mon esprit!
    Je soutiens madame Renard d eau!

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    • haha la définition de polanski en « petit prout connu » me parait être tout à fait idoine. tu vois c’est marrant mais client eastwood échappe complètement à mes histoires de morale (comme quoi tout n’est pas très clair dans ma tête apparemment). je me sens attaché de manière irrationnelle à cette personne du coup je boycotterai jamais ses films (je crois que je suis une truffe qui a trop regardé sur la route de madison…)

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      • Ouais a dit:

        Moi je m arrête après Impitoyable, parce qu avant merde c est quand même bien: Josey Wales hors la loi, c est rigolo !!! On se demande même pourquoi ce type est une si grosse merde baveuse du cul !!!!

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  3. Ouais a dit:

    Retification: après 1995. J aime beaucoup sur la route de Madison moi aussi!:) je pensais qu il datait de 91!

    Quelle grosse buse ce type quand même, fait chier d aimer des films de ce caca de réac de droite ultime! Mince il y a Chuck aussi!!!! CHUCK NORRIS le Céline de l action! Fuck à chiottes . ..

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  4. Lobe a dit:

    Si tu rencontres sur ta route un livre de Sony Labou Tansi, mets y un croc.

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    • tu me conseilles lequel pour commencer? (c’est l’heure de la commande de bouquins mensuelle à renardland)

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      • auraure a dit:

        Proprement démasquée: il se trouve que je n’ai lu que Sueur, encre, salive et sang (titre peut-être en désordre). C’est par conséquent celui que je te conseille le plus chaudement.

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  5. Caroline a dit:

    Alors alors… J’ai DETESTE Elena Ferrante, j’ai lu le 1er tome dans un train allant vers l’Italie et l’ai laissé là. C’est très mal écrit, les seules pages intéressantes sont celles qui montent les différences de niveau social entre les personnages principaux et les habitants de Naples (pourtant pas la ville la plus riche du monde ou même d’Italie).
    Sinon, l’histoire du mec qui a engrossé une fille qui a la moitié de son âge et l’a foutue en HP après… Comment dire? En tant que femme, cela semble tellement vu et revu comme thème que je vais passer mon tour.

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